LEGRAND,DOMINIQUE
mercredi 12 septembre 2007, 12:14
Passage
Les Brasseurs, 6 rue des Brasseurs, Liège, jusqu'au 6 octobre. Tél. : 04-221.41.91 et www.brasseurs.be .
Exposition de Laurent Impeduglia, dans le cycle « Dissidence ».
Tout commence comme un conte. Une porte de bois, un puits, une enseigne lumineuse. L'univers de Laurent Impeduglia. Bétonneuse, château fort, brouette, briques éparses, églises en feu, igloo ou coupole, entrelacs de sentiers et d'incantations sous la phrase emblématique « Make a wish, build your life ». Voici le défi. Outils livrés en kit.
De la cave au grenier, l'artiste liégeois conçoit une immense installation, un laboratoire, un « Passage » – titre générique de l'exposition –, vers son monde intérieur. La plupart des pièces sont inédites et conçues spécialement pour les différents plateaux des Brasseurs, cet espace prospectif contemporain installé dans un ancien entrepôt industriel, en plein cœur de Liège.
Le peintre, le dessinateur, le bédéiste, l'arpenteur, le maçon du territoire et des chemins de vie, dresse ainsi son portrait à partir d'éléments disparates et fragmentés. Donjons aux tours effilées, murs de briques proches de l'enfance, arcs-en-ciel de rêves, assemblages de Lego géants, cieux transparents et muets : éminemment ludique mais tout aussi peu naïf, l'univers apparaît alors comme une forêt de symboles où l'on découvre quelques clés par glissements progressifs.
Que découvre-t-on sous la signature inversée ? Un journal intime où BD, culture pop, alchimie et onirisme se conjuguent dans un jeu avec le spectateur. En ce grand inventaire, rien n'est gratuit. Tant de formes à décrypter, de messages et d'objets à manipuler mentalement ! Un radeau, une échelle, des gouaches. On se régale devant ces énigmes qui donnent corps et matière à l'utopie dans un environnement suggestif de peintures, d'installations et de dessins millimétrés. Le territoire liégeois en dérive rejoint la métaphore d'un monde global où la figure de l'artiste se transforme en une figure générique, paradoxe du comble de la singularité. Laurent Impeduglia interroge, questionne, raconte, fouaille le blanc laiteux. C'est la couleur de l'apprenti, du novice, du candidat, du commencement, du futur initié. Avec ce blanc et les trois couleurs primaires qu'il fait chanter jusqu'à l'épure, Impeduglia bâtit une œuvre ponctuée de désirs, de rencontres, de découvertes, d'accidents.
Un chantier en déconstruction
Ce carnet de route est un chantier en déconstruction. Derrière les murs d'enceinte, les tourelles, l'inconscient et le conscient interagissent dans l'édifice d'ensemble, vaste jeu « Under Construction ». Sous l'accent enfantin et la multiplication des surprises visuelles, la secousse sismique est là. Dans ce labyrinthe de pistes à prendre ou à laisser, que fera l'homme nouveau dans son refus d'innocence ? Question lancinante, quête initiatique.
Dieu ? L'art ? La culture populaire ? Dans son processus d'autoconstruction, Impeduglia dispose de jeux vidéo et du four d'Athanor. L'espace mental est à conquérir. Une savoureuse touche d'humour sauve notre homme de l'errance. Enfant incorrigible des Lizène et Charlier, l'artiste ouvre sa proposition ludique et poétique. De la boîte à outils émerge un arbre fragile, métaphore de l'homme nu dont les idées prennent racine
Insolite « constructiviste », Laurent Impeduglia inscrit son parcours dans cette nouvelle génération d'artistes en train d'inventer un langage. La légitimité de sa démarche réside dans ce qu'elle nous dit de l'aujourd'hui et dans la manière dont elle se positionne par rapport à lui. Avec ce perpétuel retour à une question, une urgence sur le plan personnel et altermondialiste. Quoi de plus aléatoire que le vœu que nous avons formulé en entrant ici …