« Make a wish, build your life » ---- Laurent Impeduglia
Peintre, il l’est, fondamentalement et depuis toujours, tout comme il est aussi dessinateur et sculpteur et pourtant, cette énumération ne suffit pas à cerner la spécificité du travail de Laurent Impeduglia et de l’esprit qu’il lui insuffle.
A cette « liste », il faut ajouter d’autres termes : les uns seraient issus du domaine opératif, celui des métiers de la construction notamment tels maçon, géomètre, entrepreneur ; les autres, pour compléter ce portrait en pointillé, seraient à chercher ailleurs, auprès de voies plus spéculatives, plus cognitives… Oserais-je donc, à ce propos et sans tomber dans l’emphase, employer des mots aussi connotés que« concepteur » ou mieux encore « créateur » au sens où l’entendait Borgès. « Un homme fait le projet de dessiner le Monde. Les années passent : il peuple une surface d’images, de provinces, de royaumes, de golfes, de navires, d’îles, de poissons, d’instruments, de maisons, d’astres, de chevaux, de gens. Peu avant sa mort, il s’aperçoit que ce patient labyrinthe de formes n’est rien d’autre que son portrait. »
L’œuvre de LI est donc une vaste métaphore de sa vie et des étapes du perfectionnement spirituel qui la jalonnent et le font progresser, par degrés, vers plus d’humanité et de sagesse. Cette donnée est essentielle pour appréhender son travail, elle est le lien qui cimente toutes les pièces de ce gigantesque jeu de construction et lui donne force, assise et cohérence.
L’œuvre et la vie envisagées ici comme les deux faces d’une même médaille, l’une enrichissant l’autre, l’une au secours de l’autre, l’une miroir de l’autre. L’œuvre tel un réceptacle de ce que la vie donne, reprend, propose…Un inventaire vertigineux, une multitude de possibles où Laurent Impeduglia puise ce qui le structure et donne du sens à ce qu’il entreprend.
A cet égard, il est difficile par exemple, de passer sous silence son intérêt pour les symboles qu’il se réapproprie, parfois comme outils d’interprétations de rêves personnels (omniprésents dans son travail), parfois comme clés d’accès à des textes philosophiques ou plus intuitivement pour leur beauté plastique.
Dans cette perspective, épinglons le « blanc », dont il a recouvert ses toiles, et qui « dit » ici bien autre chose que son absence de couleur puisque Laurent Impeduglia l’utilise, en fait, comme signe doté d’une série de significations codées : le blanc, couleur de l’apprenti, du candidat; le blanc, pour l’aube, la naissance, le commencement du jour ; le blanc, pour la pureté des intentions, pour la robe de la mariée et le costume du futur initié….Le blanc enfin, synonyme du « passage », terme qu’il a choisi comme titre de son exposition aux Brasseurs.
A l’aide de ce blanc et des trois couleurs primaires, gamme volontairement épurée et témoignage de son admiration pour Matisse, Laurent Impeduglia va bâtir une œuvre à déchiffrer comme on déchiffre un traité d’alchimie, un texte ancien, un récit initiatique, un conte de fée, une légende. On y croise des bribes d’enfance, des fragments de rêve, des personnages emblématiques, compagnons de vie tel ce petit garçon au cheval de bois, des édifices de toutes sortes et puis…lui.
Lui construisant une tour, lui montant sur une échelle, éléments réunis par une symbolique commune : celles des liens qu’ils tissent avec le ciel et la terre, celle des degrés, que l’homme voulant accéder à la plus pure des spiritualités, se doit de franchir pour, selon certains, se rapprocher de Dieu.
Lui encore, mais cette fois conduisant une brouette, instrument que l’artiste interprète comme le prolongement de ses bras et de la direction que l’on donne ainsi à son chemin de vie. La brouette, emblème de l’équilibre et du destin avec toutes ses virtualités et ses ambivalences.
Que dire alors des mondes qui se cachent derrière ses églises en feu, ses châteaux aux donjons effilés entourés d’entrelacs de petits sentiers sinueux, ses murs en briques annotés de chiffres, ses arcs en ciel et ses grands arbres qui se hissent vers des cieux transparents et muets ?
L’univers foisonnant et ludique de Laurent Impeduglia se découvre par glissement de sens successifs, par analogie, on y entre pas à pas pour y découvrir peu à peu une sorte de grand journal intime mais ouvert, dont l’artiste ne prétend ni garder, ni même posséder toutes les clés.
Un carnet de route en quelque sorte qu’il partage avec tous ceux qui s’y arrêtent et qu’il accueille toujours à bras ouverts.
Dominique MATHIEU
Juin 2007