2007 Art Même : Catherine Henkinet
« Under construction »
Laurent Impeduglia (1974°, vit et travaille à Liège), jeune artiste de la scène liégeoise, évoque aux Brasseurs, un grand chantier universel nourri d’influences éparses. Un monde grouillant de symboles et de métaphores où l’hermétisme côtoie le populaire, où le personnel rejoint l’universel. Laissons-nous guider dans ce dédale insolite sans voir distinctement où la piste va nous mener…
Au départ, il y a le rêve, la vision enchantée d’un réel lié à l’intime, l’expression de tout être qui sommeille en nous et qui ne demande qu’à surgir, à se dévoiler. Puis, un chemin se trace, une tour se construit, l’imaginaire se façonne. L’artiste qui, à ses débuts, réalisait un travail plus viscéral, forme d’expression incontrôlée des pulsions, fait place, dès à présent, à une sorte de vision plus lucide sur son passé, son enfance et sur soi ouvrant dès lors les portes de l’inconscient. Un « passage », une sorte de quête initiatique en vue de se forger sa propre personnalité autant individuelle que plastique. Une brèche ouverte par quelque transformation alchimique peut-être, muant la part instinctive de l’homme en conscience, tel ce précepte ésotérique lié aux multiples lectures de l’artiste : « Descends au plus profond de toi-même et trouve le noyau insécable, sur lequel tu pourras bâtir une autre personnalité, un homme nouveau[1] ». Une recherche qui passe, en ce sens, par la transmutation du symbolique comme mode d’appropriation identitaire à convertir en formes singulières sur la toile ou dans l’espace d’exposition.
Une voie vers la quiétude au travers de la peinture qui tend de plus en plus vers l’épure. En effet, les multiples éléments puisés au gré de l’imagination et d’un passé ancré dans la culture populaire allient dessins enfantins surgissant de bandes dessinées, images plus traditionnelles d’un fort médiéval en construction ou d’un ouvrier aux traits étrangement impedugliesques, … Divers types de représentations qui, aux détours de ses travaux les plus récents, tendent à se raréfier. Les balises s’installent dans un processus d’auto- construction. Le lien entre les références et le sujet est clairement marqué. Laurent Impeduglia nous fait voyager aux détours d’un chemin abrupt menant d’églises en châteaux, de fours alchimiques en radeaux, du diamant brut en une forme étrange à facettes, de chiffres kabbalistiques en blanc pur. Brique par brique, il dépose le vocable d’un univers qui se façonne au jour le jour. La solution à cette énigme n’a pas de réponses, ou plutôt, en crée une somme infinie, car c’est de tout dont il parle : de l’enfance, de la culture populaire (dessins animés, jeux vidéos, …), de croyances aussi bien religieuses (« Where are you Jesus », titre d’une de ses oeuvres) que mystiques (idée de l’athanor, four alchimique), … Il faut en rechercher les clés par la voie de la métaphore: le blanc de la renaissance, de la pureté, du changement, le chiffre 13 de la transformation, la brique du maçon, ainsi que d’autres plus inconscientes, à déchiffrer ou à se réapproprier. Il n’existe pas de vérités absolues, il faut réorganiser le chaos initial, le sonder pour entrevoir sa logique et en accepter les errements, les chemins sinueux. « Passage » en est le fil conducteur, tel un espace à conquérir, un chemin à prendre, celui de la peinture transfigurant un état d’âme aussi bien qu’une ambiance d’atelier, car c’est bien de travail dont il est aussi question, d’une pratique que l’on apprend à maîtriser au fil du temps.
Malgré tous ces propos, l’idée est toute fois, de ne pas se prendre trop au sérieux. Ses prédécesseurs liégeois bien connus tels Lizène ou Charlier nous l’ont déjà démontré. Une touche d’humour emprunt de diverses croyances résonne dans plusieurs de ses œuvres tel l’installation d’un puit assez explicite placé à l’entrée de l’exposition : « Make a wish, build your life ».
Laurent Impeduglia se joue de tout type de pensée en leur conférant une teinte très personnelle, décontextualisée de leur propos. Une renaissance en quelque sorte suggérée par la confusion des genres et la migration des formes, si présentes dans les pratiques artistiques actuelles…
Catherine Henkinet
Passage
Laurent Impeduglia, peintures, sculptures, installations
Dans le cadre du 5ème cycle d’expositions « Dissidence »
Les Brasseurs
Rue des Brasseurs, 6
4000 Liège
T +32 (0)4 221 41 91
Du 5. 09 au 6.10.2007
De 15h à 18h et sur rendez-vous
Site : www.brasseurs.be
[1] Jean Servier, L’homme et l’invisible (coll.les voies de l’homme), Paris, Robert Laffont, 1964, p.138.